Le 17 juillet 2018, une décision de la Grande Loge Unie d'Angleterre vient subitement infléchir les principes – oh, combien centenaires – d'un sexisme caractérisé. En réalité, de quoi s'agit-il ?
Dessin de JiHo
Son règlement vient d'être dépoussiéré afin de se mettre un tant soit peu au diapason des nouvelles définitions légales ayant cours. Certes, cela reste extrêmement timide mais, reconnaissons-le, il s'agit d'une petite avancée qui ne peut aller que dans le bon sens, c'est-à-dire en direction des revendications pour la mixité.
Les Frères de la GLUA marchent sur des œufs. L'article 1 de cette réforme indique qu'il ne s'agit pas "d'imposer de règles contraignantes et bien qu'il donne des indications générales sur le droit de la discrimination, il ne constitue pas un avis juridique. Cette politique ne tente pas de résoudre tous les problèmes liés au genre qui peuvent survenir en tant que sexe la réaffectation et la transition entre les sexes deviennent plus répandues dans une société en mutation et quand elles se produisent ils devront être traités conformément aux principes maçonniques de légalité, de gentillesse et tolérance".
La mise en conformité voilà le problème ! D'ailleurs, l'article 2 précise clairement les honorables intentions de ses rédacteurs : "Si un franc-maçon membre de la GLUA souhaite changer de sexe et devenir une femme, nous attendons que le franc-maçon reçoit le plein soutien de leurs frères. La vie privée de l'individu devrait être respecté et il ne sera normalement pas nécessaire d’informer le grand secrétaire métropolitain, provincial ou de district ou le grand secrétaire à propos de ce changement".
Alors ma poule - enfin mon Frère - est-ce clair ? "Un candidat à l'admission à la franc-maçonnerie sous la juridiction de la GLUA doit être un homme. Si une personne qui a subi un changement de sexe et qui est devenue une femme demande à devenir franc-maçon alors sa demande doit être traitée de la même manière que pour tout autre candidat masculin" (in Article 3). Et, pour enfoncer le clou : "Aucun candidat devraient être soumis à des questions sur leur sexe, ce qui pourrait les mettre mal à l'aise" (ibid.).
Dans les articles qui se succèdent, il est rappelé que ce nouveau franc-maçon - ça coince toujours car on ne dit surtout pas franc-maçonne…- "ne cesse pas d'être franc-maçon" (article 4) et "n'est pas obligé de démissionner" (article 5).
Par contre, si l'Article 6 précise que "une Loge ne doit à aucun moment exiger d'un membre de prouver qu'ils sont légalement un homme", quid de l'office de vénérable maître ? Rien n'est précisé et nous imaginons mal une femme à la tête d'une loge affiliée à cette obédience. Mais, restons optimiste, à quand cette promotion ? Le chemin reste encore très long à parcourir et, d'ailleurs, jusqu'où sera-t-il emprunté ? On peut légitimement se poser cette question. En effet, il suffit déjà de constater combien en France le Grand Orient a bien du mal à encaisser le coup au sein de ses propres instances. Cette obédience n'est pas fondamentalement et structurellement mixte, même si certaines de ses loges le sont. Parmi les principales structures maçonniques françaises, il y en a deux : le Droit Humain et la Grande Loge Mixte Universelle qui, légitimement, peuvent prétendre à cela.
Ce n'est pas une dynamique particulièrement florissante et rassurante pour cette constellation maçonnique. Un jour, il faudra bien dépoussiérer ces vieilles charges et leurs pratiques d'un autre temps et, sans doute, leur faire une place dans le musée des accessoires. Cette maçonnerie-là, toujours attachée aux pratiques et au vocabulaire sexistes, n'arrive toujours pas à nous faire oublier le titre du poème du Frère Rudyard Kipling : "Tu seras un homme, mon fils". Dommage...