Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

droit humain

  • Maria Deraismes - 17 août 1828 : Naissance d'une femme exceptionnelle

    En plus de deux mille ans de culture hypersexualisée et humiliante pour la gent féminine, peu nombreuses sont les femmes dont on condescend à accorder la postérité. Maria Deraismes, comme Olympe de Gouges et Louise Michel pour ne citer que ces deux grandes égéries, reste l'une de ces femmes qu'il serait légitime de mettre au Panthéon des bienfaiteurs et bienfaitrices de l'Humanité.

     

    Deraismes Statue.jpgComment les nier ? Ses origines bourgeoises sont bien là et jamais nous la verrons monter sur les barricades durant les grands chambardements de son époque : 1848 et 1871. Malgré tout, cela ne l'empêchera pas d'aider des membres de la Commune de Paris et, selon son expression, à leur "tendre la main". Dans "La franc-maçonnerie et l'émancipation des femmes", Eliane Brault, membre du Droit Humain puis fondatrice de la Grande Loge Mixte Universelle, la cite fort à propos(1) : "Les résultats des révolutions ne sont pas proportionnels aux sacrifices consentis et l'effort ne profite pas à ceux qui en sont les artisans. En politique, les crises violentes servent surtout ceux qui observent de l'extérieur et ne s'y mêlent qu'au dénouement". Propos troublant car, si l'on prend à la lettre ce point de vue, autant considérer que toute révolte populaire est vouée à l'échec ! Mais, malgré la sympathie que nous avons pour cette femme, constatons-en les limites : nous buttons sur un fatalisme caractéristique de son statut social.

     

    Féministe, elle interviendra et se battra constamment pour que la femme devienne égale à l'homme. Maria Deraismes, participa à la création d'associations féministes. En 1869, déjà journaliste, elle fonde avec le libre penseur Léon Richer l'hebdomadaire Droit des femmes qui deviendra peu après L'Avenir des femmes.

     

    Libre penseuse elle-même, elle présidera aux destinées de cette association dans l'ex-Seine-et-Oise. Avec Victor Poupin (l'un des fondateurs de la Ligue de l'Enseignement) ainsi que l'abolitionniste Victor Schoelcher, en 1881, elle va organiser le premier congrès anticlérical. Durant celui-ci, on parle déjà de la séparation des églises et de l'État, des problèmes liés à l'éducation, aux fêtes laïques, à l'organisation des services hospitalier et d'assistance, etc. Maria soumet au congrès une motion qu'il adoptera : "Le congrès émet le vœu que les hommes et surtout les libres penseurs, fassent de leurs femmes leurs compagnes dans leurs réunions, cercles, comices, travaillent à les faire reconnaître légalement comme leurs égales". La question mérite d'être posée : où en sommes-nous encore aujourd'hui ?

     

    Deraismes initiee.jpgFranc-maçonne, le 14 janvier 1882 les frères de la Loge Les Libres Penseurs du Pecq (Yvelines) l'intègre comme une sœur à part entière. Première femme a entrer dans ce cercle encore très fermé. Comme par hasard, y adhère un certain frère : Léon Richer... C'est sans doute ce "plus" maçonnique qui la fait entrer dans la grande histoire de l'Humanité. Durant cette cérémonie, le vénérable de cette loge, le frère Hougar, prononça ses quelques mots : "En initiant une femme à nos mystères, nous voulons proclamer l’égalité des deux êtres humains qui concourent physiquement à la propagation de notre espèce... Nous sommes pénétrés de cette idée que l’état normal de la société ne peut s’améliorer effectivement sans le concours de la femme, première éducatrice de l’enfant et que détruire chez elle les préjugés, en les combattant par la lumière maçonnique, c’est préparer pacifiquement la véritable émancipation sociale". En réponse, la sœur Maria affirme que ses frères ont "rompu avec les vieilles traditions consacrées par l’ignorance. Vous avez eu le courage d’affronter les rigueurs de l’orthodoxie maçonnique... Vous êtes aujourd’hui considérés comme des hérétiques, parce que vous êtes des réformateurs : mais comme partout la nécessité des réformes s’impose, vous ne tarderez pas à triompher". Cent-vingt huit ans après ce coup de tonnerre dans un temple de la pensée philosophique, force est de constater que le triomphe espéré n'a pas été (ou très partiellement) au rendez-vous de la franc-maçonnerie contemporaine. Toutefois, cela ne l'empêchera pas, avec l'aide de quelques frères, de créer la première loge mixte. Et, onze ans après son initiation, en 1893 elle fonde l'association : la "Grande Loge Symbolique Écossaise Mixte de France", appellation qui, en 1901, se transformera en Ordre maçonnique mixte international "Le Droit Humain"(1).

     

    Elle décédera dans sa soixante-sixième année après avoir bien œuvré pour le genre humain et la mixité en particulier. Au cœur de ses préoccupations nous retrouvons toujours une démarche en faveur de la liberté de penser, pour l'égalité entre tous les êtres humains et pour le développement de la fraternité universelle. C'est évident : son travail n'est nullement achevé. A chacun et à chacune de le poursuivre afin qu'un jour il puisse aboutir.

    Maria Deraismes, c'est avant tout et à sa façon : une vie, un combat et un exemple comme nous voudrions qu'il en existe tant pour que le monde change.

     

    1) Lorsque cette obédience prend - huit ans après sa création - la décision de changer de nom, deux loges s'en séparent et se constituent en une nouvelle entité qui gardera le nom de Grande Loge Symbolique Écossaise "maintenue et mixte". La sœur Louise Michel, pourtant amie de Maria Deraimes, sera initiée dans cette obédience "maintenue" en 1903.

  • Sexe et Franc-maçonnerie

    Le 17 juillet 2018, une décision de la Grande Loge Unie d'Angleterre vient subitement infléchir les principes – oh, combien centenaires – d'un sexisme caractérisé. En réalité, de quoi s'agit-il ?

     

    Init; Femme JiHo.jpg

     Dessin de JiHo

     

    Son règlement vient d'être dépoussiéré afin de se mettre un tant soit peu au diapason des nouvelles définitions légales ayant cours. Certes, cela reste extrêmement timide mais, reconnaissons-le, il s'agit d'une petite avancée qui ne peut aller que dans le bon sens, c'est-à-dire en direction des revendications pour la mixité.

     

    Les Frères de la GLUA marchent sur des œufs. L'article 1 de cette réforme indique qu'il ne s'agit pas "d'imposer de règles contraignantes et bien qu'il donne des indications générales sur le droit de la discrimination, il ne constitue pas un avis juridique. Cette politique ne tente pas de résoudre tous les problèmes liés au genre qui peuvent survenir en tant que sexe la réaffectation et la transition entre les sexes deviennent plus répandues dans une société en mutation et quand elles se produisent ils devront être traités conformément aux principes maçonniques de légalité, de gentillesse et tolérance".

     

    La mise en conformité voilà le problème ! D'ailleurs, l'article 2 précise clairement les honorables intentions de ses rédacteurs : "Si un franc-maçon membre de la GLUA souhaite changer de sexe et devenir une femme, nous attendons que le franc-maçon reçoit le plein soutien de leurs frères. La vie privée de l'individu devrait être respecté et il ne sera normalement pas nécessaire d’informer le grand secrétaire métropolitain, provincial ou de district ou le grand secrétaire à propos de ce changement".

     

    Alors ma poule - enfin mon Frère - est-ce clair ? "Un candidat à l'admission à la franc-maçonnerie sous la juridiction de la GLUA doit être un homme. Si une personne qui a subi un changement de sexe et qui est devenue une femme demande à devenir franc-maçon alors sa demande doit être traitée de la même manière que pour tout autre candidat masculin" (in Article 3). Et, pour enfoncer le clou : "Aucun candidat devraient être soumis à des questions sur leur sexe, ce qui pourrait les mettre mal à l'aise" (ibid.).


    Dans les articles qui se succèdent, il est rappelé que ce nouveau franc-maçon - ça coince toujours car on ne dit surtout pas franc-maçonne…- "ne cesse pas d'être franc-maçon" (article 4) et "n'est pas obligé de démissionner" (article 5).

     

    Par contre, si l'Article 6 précise que "une Loge ne doit à aucun moment exiger d'un membre de prouver qu'ils sont légalement un homme", quid de l'office de vénérable maître ? Rien n'est précisé et nous imaginons mal une femme à la tête d'une loge affiliée à cette obédience. Mais, restons optimiste, à quand cette promotion ? Le chemin reste encore très long à parcourir et, d'ailleurs, jusqu'où sera-t-il emprunté ? On peut légitimement se poser cette question. En effet, il suffit déjà de constater combien en France le Grand Orient a bien du mal à encaisser le coup au sein de ses propres instances. Cette obédience n'est pas fondamentalement et structurellement mixte, même si certaines de ses loges le sont. Parmi les principales structures maçonniques françaises, il y en a deux : le Droit Humain et la Grande Loge Mixte Universelle qui, légitimement, peuvent prétendre à cela.

     

    Ce n'est pas une dynamique particulièrement florissante et rassurante pour cette constellation maçonnique. Un jour, il faudra bien dépoussiérer ces vieilles charges et leurs pratiques d'un autre temps et, sans doute, leur faire une place dans le musée des accessoires. Cette maçonnerie-là, toujours attachée aux pratiques et au vocabulaire sexistes, n'arrive toujours pas à nous faire oublier le titre du poème du Frère Rudyard Kipling : "Tu seras un homme, mon fils". Dommage...