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Littérature - Page 4

  • Prix 2018 de la Laïcité

    Bonne nouvelle pour la Laïcité ! Son prix a été attribué au célèbre neurobiologiste Jean-Pierre Changeux pour son livre Le cerveau de l'enfant est parfaitement laïque à la naissance.

    A défaut du livre, je vous soumets la déclaration qu'il a prononcée à cette occasion, dans les salons de l'Hôtel de Ville de Paris, et à laquelle nous ne pouvons que souscrire.

    "Chers amis,

    Je me sens particulièrement touché et honoré de recevoir le prix Laïcité République pour mes ouvrages de neuroscience. Merci spécialement pour l’initiative prise par le jury d’élargir le débat sur la laïcité au monde du cerveau alors que le débat est encore trop souvent entre les mains des philosophes, des sociologues ou des politiques. Pourquoi pas ?

    Le cerveau humain est un système d’une redoutable complexité, un réseau d’une centaine de milliards de neurones et de millions de milliards de connexions synaptiques. Et de ce fait, comme l’écrivait déjà Spinoza « Les Hommes jugent des choses suivant la disposition de leur cerveau », et j’ajouterai de leur cerveau « en société ».

    Le cerveau de l’Homo sapiens est conscient, rationnel et social. Il fonctionne - à la différence de nos ordinateurs – sur un mode projectif, s’interrogeant constamment sur l’avenir proche et lointain. Il est néanmoins une machine chimique exclusivement composée d’atomes et de molécules capable de produire toutes les représentations que nous avons du monde, les croyances comme les faits de science.

    Le cerveau humain est issu de l’évolution darwinienne des êtres vivants et plus spécifiquement de la lignée des ancêtres de l’Homme, du singe à Homo sapiens. Un de ses traits les plus remarquables est la durée de son développement qui, en quelque sorte, prend le relais de l’évolution génétique mais ici de manière épi-génétique. Le cerveau de l’Homo sapiens met 15 ans – au moins - pour devenir adulte. Son poids augmente 5 fois après la naissance et plus d’un million de milliards de synapses se forment après celle-ci... A chaque seconde se créent de l’ordre d’un million de synapses. Cette construction endogène se réalise en constante interaction avec l‘environnement physique, social et culturel qui y sélectionne des traces neuronales indélébiles que j’ai appelé « circuits culturels ». Pendant ces périodes critiques, le bébé, le jeune enfant puis l‘adolescent « internalisent » dans leur cerveau – comme l’écrivait Vygotskty – l’environnement social : langage parlé puis écrit, système symboliques propres à l’environnement culturel, règles de conduites, de la vie familiale et en société…
    Le cerveau de l’enfant est parfaitement laque à la naissance. Il signe notre appartenance à une espèce commune. Il possède les dispositions universelles propres à l’Homo sapiens.

    Au cours des années qui suivent il s’imprègne d’une culture particulière qui définit une autre appartenance celle à un groupe familial et social, à un lieu géographique particulier, la terre d’origine, à une histoire collective et individuelle, liés aux événements personnels vécus, de la naissance et du développement ultérieur. Les dispositions initiales se spécialisent et se diversifient au gré de circonstances souvent imprévues et leurs manifestations relèvent de ce que l’on peut appeler un relativisme général.

    Un moment important de l’histoire culturelle de l’Humanité est que, au sein de cette diversité, se développe une culture très particulière qui se singularisera par son retour à l’universalisme : la culture scientifique. Selon Jean-Pierre Vernant, la rationalité scientifique est née sous la Grèce antique avec l’Agora. Elle demande l’acceptation par le citoyen de la coexistence d’opinions diverses voir opposées, le débat critique, la recherche commune de la solution la plus adéquate et la plus universelle, au-delà de la diversité des croyances et des points de vue. Les solutions découvertes sont sans relâche remises en cause. La science est recherche de vérités (au pluriel) et n’énonce pas une Vérité théologique… et ceux qui se sont engagés dans cette discipline, comme les autres, doivent s’en souvenir !

    Aux origines de l’Humanité, Homo sapiens possède un cerveau semblable au notre et s’interroge sur ce qu’il est, sur sa propre nature, ses origines et son avenir. Ne possédant pas la culture que nous avons acquise au fil des siècles, il ne pouvait imaginer des réponses objectives à ces questions fondamentales, depuis l’origine de notre univers aux raisons de notre mort. Il a donc inventé - pour calmer ces inquiétudes liées à son ignorance - des systèmes de croyances irrationnelles, des mythologies fantaisistes, des idéologies parfois dangereuses…

    La science est là pour apporter, pas à pas, des réponses à ces questions essentielles dans un processus qui progresse en permanence... Elle devrait nous permettre de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons, le climat, l’alimentation, la démographie, que sais-je ? Mais aussi et surtout de mieux définir les conditions de vie de tous les humains sur notre planète, – quels qu’ils soient- et que tous puissent accéder à cette « vie bonne » comme le demande Paul Ricoeur « avec et pour les autres dans des institutions justes »

    La science nous met en face de nos responsabilités. Il nous faut faire en sorte que ce savoir scientifique puisse bénéficier à l’humanité dans son ensemble et non pas contribuer à l’effondrement de son environnement, à la satisfaction de sa rage belliciste et à sa disparition ultime ….

    Mes derniers mots porteront bien entendu sur le cerveau. Nous savons que son développement est particulièrement long chez les humains. L’environnement social et culturel joue une rôle critique dans cette évolution et tout spécialement l’éducation. Celle-ci intervient dans la construction du cerveau du futur citoyen. Et mon vœu le plus cher est que cette éducation lui permette de retrouver la laïcité pure de sa naissance dans la liberté, l’égalité et la fraternité entre tous les humains.

    Comme le disait Martin Luther King, « j’ai fait un rêve »… que tous les enfant du monde puissent recevoir une éducation laïque et que cela soit inscrit définitivement dans la Déclaration Universelle des Droits Humains.

    Merci à toutes et à tous."

  • 7 novembre 1913 : Albert Camus, le début d'une saga

    Nonobstant ses dispositions littéraires, Albert Camus aura été un grand dissident. Cela le conduira à devenir un résistant lors du deuxième conflit mondial et, également, à l'amener à un journalisme plus que jamais engagé.

     

    jean-paul sartre, parti communiste, guerre d'espagne, l'homme révolté, le mythe de sisyphe, la pensée de midi, louis lecoinEn 1935, il adhéra au Parti communiste algérien. Sa posture antifasciste, en particulier à l'occasion de la Guerre d'Espagne, déjà empreinte d'une démarche libertaire, lui fait quitter assez rapidement, mais définitivement, ce parti. On peut ainsi comprendre pourquoi l'écrivain ne s'est pas fait que des amis car l'intelligentsia française d'alors balançait entre deux courants culturels principaux dont un, sans doute le plus influent, était dominé par l'idéologie marxiste, à commencer par l'un de ses plus dignes représentants : Jean-Paul Sartre. Restons-en là car il s'agit d'une toute autre et longue histoire...

     

    Après cette période de frottement avec le parti communiste, c'est en 1951 qu'il publie L'homme révolté. Cela ne fait aucun doute pour lui : "le marxisme, sous un de ses aspects, est une doctrine de culpabilité quant à l'homme, d'innocence quant à l'histoire". Dans cette courte phrase se trouve contenue à la fois sa non justification de ce qui fera la force provisoire du régime marxiste et son regard sur la vraie nature du matérialisme historique.

     

    Avec ses principes chevillés au corps, dont celle concernant ses positions antifascistes, Camus démissionne de l'Unesco en 1956 car il protestait contre l'admission de l’État franquiste au sein de cette instance internationale. Cela d'ailleurs le conduisit sept ans plus tard à participer au Comité de soutien créé pour l'obtention du droit à l'objection de conscience animé par Louis Lecoin. Il semble difficile de ne pas mettre en résonance ces mots terribles de l'écrivain lorsqu'il écrit dans La Pensée de Midi : "Qu’un seul maître soit, en effet, tué, et le révolté, d’une certaine manière, n’est plus autorisé à dire à la communauté des hommes dont il tirait pourtant sa justification. Si ce monde n’a pas de sens supérieur, si l’homme n’a que l’homme pour répondant, il suffit qu’un homme retranche un seul être de la société des vivants pour s’en exclure lui-même".

     

    Même si il reste l'un de mes auteurs fétiches et que son œuvre a fait l'objet de quatre tomes dans La Pléiade, celle-ci reste bien trop vaste pour que nous la commentions ici en quelques lignes. Il ne lui a pas suffi de nous expliquer l'absurde et la révolte, il nous donne également sa solution que ne saurait renier les anarcho-syndicalistes et, plus encore, le syndicalisme révolutionnaire qui fut si cher à ses aspirations : "Le syndicalisme comme la commune, est la négation au profit du réel du centralisme bureaucratique et abstrait. La révolution du vingtième siècle au contraire, prétend s'appuyer sur l'économie mais elle est d'abord une politique et une idéologie. Elle ne peut, par fonction, éviter la terreur et la violence faite au réel". On comprend que cela puisse gêner, mais c'était aussi cela Albert Camus.

     

    A 47 ans et un 4 janvier 1960, alors que l'après-midi commence à peine, il disparaît malheureusement. La voiture de l'éditeur Michel Gallimard qui le ramenait vers Paris fait subitement une embardée à la hauteur de Villeblevin, un petit village en limite des départements de l'Yonne et de la Seine-et-Marne. Elle s'écrase contre un des arbres bordant la Nationale 6 et, sous le choc, l'auteur du Mythe de Sisyphe décède. Triste hasard car, dans cette voiture les secouristes retrouvèrent son dernier manuscrit, en cours d'écriture, portant ce titre : Le premier homme !..

  • Mademoiselle dictateur

    BREVE DE LECTURE

     

    Mademoiselle dictateur

    Pierre-Valentin BERTHIER

    (L'Amitié par le Livre, 1956 – 274 pages)

     

    Pierre-Valentin Berthier, la rue, Fédération anarchisteA l'occasion d'une chine, je suis tombé sur ce deuxième roman de feu l'ami Pierre-Valentin Berthier*.

     

    Celui-ci collabora pendant de nombreuses années à la presse libertaire en général et, en particulier, aux journaux de la Fédération anarchiste** et à la revue La Rue. Dans cette dernière, il publia en 1976 un article pacifiste "La guerre et son instrument". C'est dire quel fut l'un des axes majeurs de son engagement. Malheureusement et à mon grand regret, je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer physiquement, malgré mon appartenance aux deux comités de rédaction pour lesquels il collaborait, si ce n'est dans le cadre d'échanges épistolaires toujours empreints de fraternité.

     

    Son roman s'inscrit dans cette veine que jamais il ne quitta. L'action se situe durant la Seconde guerre mondiale et met en jeu d'étranges personnages. L'intrigue est bien menée et nous met en haleine jusqu'à la dernière page. Un travail d'orfèvre à l'image de tout ce que j'ai pu lire de lui. Si vous avez l'occasion de vous procurer ces ouvrages, je ne peux que vous inviter à vous en saisir.

     

    * Wikipédia lui consacre un bel article biographique.

    ** Pierre-Valentin y tenait régulièrement la rubrique "A rebrousse-poil", symbolisée par le logotype ci-dessous :

    pierre-valentin berthier,la rue,fédération anarchiste