Vibrations sait jouer, lui aussi, aux lanceurs d'alerte. En ces temps particulièrement inquiétants, il y en a bien besoin. Aujourd'hui, nous lançons cette balle (pas une grenade...) sur le scandale nucléaire et l'omerta qui, bien sûr, l'accompagne.
Avec le texte ci-dessous, louons Radio libertaire pour cette information. A vous d'attraper cette balle et de la faire rebondir. Si seulement cela pouvait ébranler les murs de l'indifférence qui nous cernent !..
Alors que les "gilets jaunes" protestent contre taxes et impôts qui pressurent proportionnellement énormément plus les pauvres et les classes moyennes que les riches et leur président, il est utile de s'intéresser à quoi l'État utilise ce fort prélèvement sur les richesses produites.
Sans analyser ici en détail la part qui sert à une réelle redistribution vers ceux qui en ont le plus besoin et celle qui sert à entretenir l'État régalien (Armée et guerres extérieures, "Sécurité" intérieure…), on peut constater que cette dernière est en constante augmentation.
Mais il faut aussi tenir compte des sommes colossales utilisées sous l'influence de lobbies, les orientant vers divers secteurs du capitalisme.
Parmi ceux-ci, le lobby de l'atome a depuis longtemps une énorme influence, dont les conséquences budgétaires désastreuses commencent à peine à apparaître au grand jour. Un scandale bien plus important que l'affaire politico-financière, dans les années 1990, du Crédit Lyonnais, propriété de l'État (150 milliards de francs de pertes) se prépare.
Ainsi l'État a dû récemment verser :
- décembre 2014, rachat de 27,4 millions d'actions Areva au prix de 12,2 euros au dessus du cours officiel de 9,04 euros (4,50 euros aujourd'hui !)
- mars 2017, 3 milliards pour recapitaliser EDF
- juillet 2017, 5 milliards dans les différentes structures issues de la faillite d'Areva : "Cette recapitalisation est un jalon essentiel de l’exécution du plan de refondation de la filière nucléaire française", Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie.
Ces sommes ne sont qu'un aperçu des factures énormes à payer pour les déboires de l'atome hexagonal, qui risquent d'achever de ruiner EDF et ce qu'il reste d'Areva (6 000 salariés en moins en 2 ans de restructuration) :
- New Areva (devenue Orano en janvier 2018), enrichissement et recyclage du combustible nucléaire, démantèlement des parties les plus sensibles des réacteurs.
- Areva NP (devenue Framatome début janvier), réacteurs et matériel nécessaire aux centrales.
- Areva SA (maison mère), maintenue le temps que le gouffre financier de l’EPR finlandais s'achève (notamment 450 millions de dédommagements à verser à l'opérateur finlandais TVO pour les 10 ans de retard).
Il est vrai que les errements d'Areva datent notamment de l'époque oû le premier Ministre, Édouard Philippe, en était un cadre influent.
À noter que Westinghouse, l'entreprise historique du nucléaire aux USA et dans le monde, a aussi fait faillite.
L’industrie nucléaire est donc entrée dans sa dernière phase, mais son agonie va durer encore des années, sur fond de catastrophes nucléaires en cours (Tchernobyl, Fukushima) et probablement à venir, de déchets radioactifs et de centrales à démanteler sournoisement transmis aux générations futures. Sur le plan mondial, cette industrie est moribonde : la part du nucléire dans la production d'électricité est ainsi passée depuis 2001 de 17,1 % à 10 %.
Plus de 60 % du parc mondial (453 réacteurs dont 58 en France) a plus de 30 ans, dont 20 % plus de 40 ans ! Les maintenir en vie augmente fortement les risques d'accidents ou de catastrophe puisque les composants des réacteurs ont été conçus à l'origine pour une durée de 35 ans. D'autre part, les rénovations nécessaires et autres mesures "post-Fukushima" sont extrêmement coûteuses.
Le journal pro-nucléiaire Le Monde (le prix des placards publicitaires d'EDF dans le journal n'y est sans doute pas pour rien) affirme que "le nucléaire sera indispensable pendant de nombreuses décennies afin que la France respecte ses objectifs climatiques". N'oublions pas qu'Anne Lauvergeon, prenant la direction du Titanic-Areva, annonçait déjà en 2001 la construction de centaines de réacteurs pour "le grand retour du nucléaire pour pouvoir sauver le climat"...
C'est dans ce contexte que Macron a présenté le 26 novembre dernier ses arbitrages concernant le PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie) :
- La centrale de Fessenheim (2 réacteurs de 40 ans) serait fermée "avant la fin du quinquennat", ce que promettait déjà Hollande cinq ans plus tôt, mais à condition que l'EPR de Flamanville entre en service (8 ans de retard, facture multipliée par 3, chantier à l'arrêt pour un problème sur les circuits de refroidissement).
Après son quinquennet, voici les quelques promesses :
- 2 réacteurs seraient fermés en 2025-2026
- 2 réacteurs seraient fermés en 2027-2028
- 2 réacteurs seraient fermés en 2029-2030 (au conditionnel)
Rappelons que l'objectif de la loi de transition énergétique, votée en août 2015, était de réduire à 50 % la part de l'atome dans la production d'électricité (70 % actuellement) à l'horizon 2025, ce qui implique la fermeture de 14 réacteurs : "Nous avons décidé de maintenir ce cap mais en repoussant l’échéance à 2035". D'autre part, les fermetures annoncées sont conditionnelles : "Si la sécurité d'approvisionnement est assurée, si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique".
Cela implique la prolongation de 29 réacteurs jusqu'à 50 ans et plus, alors que certains composants sont conçus pour fonctionner une quarantaine d'années et que 1775 anomalies ont déjà été recensées sur le parc nucléaire !
Un sondage récent montre que 55 % des Français souhaitent d'autres fermetures rapides de réacteurs en plus de Fessenheim (64 % chez les moins de 35 ans).
Mais visiblement certains ont dû l'alerter sur la complexité et le prix exhorbitant de l'EPR, car il a refusé d'accorder à EDF le financement de 6 nouveaux exemplaires de la version actuelle (qui n'a encore jamais été en activité) et a demandé à EDF pour 2021 de "travailler à l'élaboration d'un programme de nouveau nucléaire, en prenant des engagements fermes sur le prix, pour qu'ils soient plus compétitifs". Même en réduisant les exigences de sûreté, il paraît inenvisageable de réduire considérablement les coûts de construction, sachant que le projet d'EPR de Hinkley en Grande-Bretagen "garantit" un prix de 100 euros du mégawattheure, l'éolien terrestre étant actuellement passé sous la barre des 65 euros… De toute façon, tous les grands chantiers d'EDF ont systématiquement explosé les prix affichés.
Mais nous voilà rassurés par Macron : "Réduire la part du nucléaire, ce n'est pas renoncer au nucléaire" : encore de nombreuses années devant nous avec un risque démesuré et une facture écrasante !
Il est encore temps d'agir et et de soutenir ceux qui luttent contre les choix de nucléocrates appuyés pat l'État, particulièrement ceux qui à Bure sont en butte à la répression policière et juridique, pour oser s'opposer depuis le début au projet d'immense poubelle nucléaire Cigéo.
Pour plus d'informations, écouter Trous noirs demain de 16 H à 18 H :
"Bure, Notre Dame des Landes sont des Zones À Défendre face aux choix capitalistes, mais aussi des Zones d’Anarchie Diffuse dans lesquelles se construisent d’autres liens humains, d’autres rapports à la nature, d’autres projets sociaux. L’État ne s’y est pas trompé et utilise toute sa panoplie : tenter de diviser entre opposants « raisonnables » et Zadistes « violents », envoyer gendarmes et juges, ses armes répressives, à l’assaut des villages, des bois et du bocage. Mais les résistances, les solidarités, les initiatives continuent, car « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ». Témoignent avec conviction, chaleur et courage : Andrea, co-auteur de "Bure, la bataille du nucléaire", Angèle, opposante de longue date à la poubelle nucléaire, accusée d’« association de malfaiteurs », Michel, au cœur de divers projets à Notre Dame des Landes".
Émission ensuite accessible sur le site :
http://trousnoirs-radio-