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La machine est ton seigneur

Note de lecture

La machine est ton seigneur et ton maître

de Jenny Chan, Xu Lizhi et Yang

(Editions Agone)

 

 

Agone 2022.jpgFoxconn un nom qui ne vous dit pas grand-chose ? Pourtant, c’est celui de l’une – sinon la plus importante fabrique mondiale d’éléments électroniques. Il reste aussi le troisième employeur privé de la planète... Un empire important dans le mécano industriel chinois. Il demeure l’incontournable fournisseur des principales firmes hi-tech que comptent le monde : Apple, Samsung, Microsoft, entre autres. Ce monstre industriel dispose de ses propres villes-usines dans lesquelles on décompte plus d’un million d’employés. Bref, un géant imposant avec lequel il ne semble pas vraiment utile de se frotter, pas plus d’ailleurs que d’y travailler.



Par son titre, ce livre ne témoigne pas d’une grande et irrésistible sympathie. Parler d’aliénation au travail ne semble pas être un mot superflu. Ici, nous pénétrons dans l’univers impitoyable de l’esclavage des travailleurs. L’ambiance infernale se trouve particulièrement canalisée. Une répression constante parfaitement organisée par les surveillants ponctue le rythme des ateliers. Cette situation peu reluisante génère et justifie les nombreuses formes d’actions de sabotage, de révoltes ou de suicides qui l’égrènent. Depuis 2010 et afin d’éradiquer ces risques, les fenêtres des bâtiments ont été grillagées, prévenant tous risques de défenestration. Comment ne pas ressentir ces mots terribles de Tian Yu, une ouvrière migrante [elles sont légions] : « Croissance. Ton nom est souffrance ». Une synthèse d’ambiance qui traduit parfaitement le mal endémique qui y sévit.



En vérité, ce livre établit un plaidoyer implacable contre ce système qui broie la nombreuse masse de travailleurs toute accaparée par des tâches répétitives, abrutissantes, réglées à la seconde près par une petite armée d’ingénieurs dont la fonction oblige une rationalisation à outrance des chaînes de production. Tout semble fait pour confirmer la règle absolue émise par le fondateur de la firme : maintenir impérativement une obéissance de la base au sommet, complétée par le régime sacro-saint de confidentialité : rien de doit transpirer hors de l’enceinte industriel.



Ce livre-analyse apparaît comme un témoignage clair et assez incroyable mais, néanmoins, terriblement redoutable. Il ne peut que bouleverser cette vision souvent idéalisée dune société de sous-traitance économique dont les tréfonds restent savamment occultés.

 

« Les machines ressemblent à d’étranges créatures qui aspirent les matières premières, les digèrent et les recrachent sous forme de produit fini. Le processus de production automatisé simplifie les tâches des ouvriers qui n’assurent plus aucune fonction importante dans la production. Ils sont plutôt au service des machines. Nous avons perdu la valeur que nous devrions avoir en tant qu’êtres humains, et nous sommes devenus une prolongation des machines, leur appendice, leur serviteur. J’ai souvent pensé que la machine était mon seigneur et maître et que je devais lui peigner les cheveux, tel un esclave. Il fallait que je passe le peigne ni trop vite ni trop lentement. Je devais peigner soigneusement, afin de ne casser aucun cheveu, et le peigne ne devait pas tomber. Si je ne faisais pas bien, j’étais élagué. »

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