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Un pape disparait, à quand le prochain...

Un triste lundi pascal pour tous les ratichons chrétiens. Alors que la mouvance des croyants perd régulièrement des plumes, ce sont les médias qui prennent le relais et qui en font des tonnes sur le sujet.

Nous profitons de l'occasion pour rappeler l'analyse que nous avions faite dans le premier numéro de la revue Adogma. Nous analysions les propos de François sur la question écologique. Un sujet sur lequel les journaux accordent au prélat un poids qu'il ne mérite guère. Cela ne saurait nous étonner...

 

La Terre aux portes de l'enfer

(quelques extraits)

 

L'église de Rome a bien fait les choses en diffusant en 2015 une encyclique sur "la sauvegarde de la maison commune". Mais diable ! Quel coup encore le père François nous fait-il ? Depuis sa prise de fonction, nous l'observons sur beaucoup de fronts. Ici ou là, on ne compte plus les chantiers où il s’attelle. C'est ainsi que, très habilement, l’Église a devancé de quelques mois la réunion de la Cop21, cette assemblée d'hommes d’État qui, une énième fois, semblent se préoccuper de l'état de notre planète. Une assemblée de politiciens, en ordre de marche de chenilles processionnaires, dont les résolutions ne durent que le temps d'en établir de nouvelles.

Le royaume de dieu étant universel par définition, l’Église ne saurait laisser le moindre espace inoccupé. On ne peut lui donner tort : en tant que maître du monde, elle aussi fait et assume son travail de persuasion publique. C'est pour cette raison que nous avons choisi d'étudier la démarche écologique toute nouvelle de cette institution, celle-ci – rappelons-le - a fait son apparition bien des siècles avant l'anthropocène1.

Quelle surprise que ce scénario catastrophe annoncé, tant décrié, positionnant notre planète aux portes de l'enfer, ait pris l'ampleur que l'on sait, sans avoir été anticipé par nos saints hommes qui, de toutes les façons, trouvent toujours une réponse à chaque chose.

 

Revue de l'ADLPF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les affres de l'enfer terrestre

Ce texte énonce clairement dans son premier chapitre les graves problèmes de dérèglements climatiques. Il n'ignore pas la responsabilité de nos sociétés à cet égard. Soyons beaux joueurs et disons-le tout aussi clairement : l'esquisse réalisée n'a rien, en elle-même, de contestable. Elle établit un état des lieux, ce dernier dénonçant l'essentiel des méfaits que l'homme inflige à la nature. L'anticlérical qui sommeille en nous ne voit guère à redire. Pourquoi devrions-nous contester l'évidence de toutes ces mutations, mutilations, déséquilibres et disparitions anormales d'éléments du vivant au sein de nos fragiles écosystèmes ? En convenir et s'en inquiéter aussi semble le moins que nous puissions faire. Ajoutons néanmoins un méfait très important, non abordé par cette encyclique : l'impact des industries d'armement et de leur utilisation sur tout le système environnemental. Le sabre et le goupillon seraient-ils toujours de mèche avec le capital ?

Pour les rationalistes que nous sommes, il ne s'agit pas d'une simple posture, contrairement à celle de l’Église qui cache bien ses intérêts. Sans chercher à remonter au-delà des deux derniers siècles, des savants particulièrement renommés dans leurs disciplines respectives, pour certains libres-penseurs, comme le biologiste Ernst Haeckel, mettaient en œuvre une réflexion profonde sur l'influence de l'homme sur son milieu naturel. Citons le grand géographe Élisée Reclus qui termine sa préface de L'Homme et la Terre par cette phrase emblématique : "C'est l'observation de la Terre qui nous explique les événements de l'Histoire et celle-ci nous ramène à son tour vers une étude plus approfondie de la planète, vers une solidarité plus consciente de notre individu, à la fois si petit et si grand, avec l'immense univers". C'est ballot, mais pour ce savant, communard de surcroît, il lui manqua l'imprimatur vaticane... Mais, comme d'autres avant lui, en avait-il besoin ?

 

Les bons et les mauvais

Il y aura toujours quelques bonnes âmes – dont nous sommes - pour affirmer que l'écologie, sans distinction, appartient à tout le monde en raison de sa transversalité. Ce n'est pourtant pas l'avis de tous et, puisqu'il existe une écologie politique de gauche et de droite – tiens, tiens ! -, pourquoi n'y aurait-il pas une écologie chrétienne ? Vu sous cet angle, on peut en effet se poser la question, ce que ne manque pas de faire le pape. Lui fait la différence entre les bons et les mauvais écologistes. La preuve : "il est préoccupant que certains mouvements écologistes qui défendent l’intégrité de l’environnement et exigent avec raison certaines limites à la recherche scientifique, n’appliquent pas parfois ces mêmes principes à la vie humaine. En général, on justifie le dépassement de toutes les limites quand on fait des expérimentations sur les embryons humains vivants". Comment oublier que l’Église est installée dans cet univers autoritaire et simpliste de logique binaire ?

Cette démarche conceptuelle se trouve en opposition totale avec celle, toujours actuelle, de la pensée rationaliste telle que Michel Bakounine nous l'a donnée : "Les hypothèses de la science rationnelle se distinguent de celles de la métaphysique en ce que cette dernière, déduisant les siennes comme des conséquences logiques d'un système absolu, prétend forcer la nature à les accepter ; tandis que les hypothèses de la science rationnelle, issues non d'un système transcendant, mais d'une synthèse qui n'est jamais elle-même que le résumé ou l'expression générale d'une quantité de faits démontrés par l'expérience, ne peuvent jamais avoir ce caractère impératif obligatoire, étant au contraire toujours présentées de manière à ce qu'on puisse les retirer aussitôt qu'elles se trouvent démenties par de nouvelles expériences" (Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme).

Ce qui est nouveau dans cette encyclique ce n'est pas tant cette relation divine, si chèrement maintenue par le cléricalisme contemporain, que le sujet lui-même. Il procède de cette lente et longue évolution de l'institution, une transformation qui s'est opérée par des paliers successifs souvent redoutables dans leurs conséquences humaines taxées d'hérésie. A ce jour, le dernier palier se caractérise par une Doctrine sociale. L'encyclique Rerum novarum ("Les choses nouvelles") en forme la pièce d'origine, créée le 15 mai 1891. A l'échelle du temps, elle n'est jamais guère plus vieille que la loi dite du 9 décembre 1905. L'action particulière de l'actuel locataire du Vatican ne fait que poursuivre cette orientation. Sur le sujet qui nous préoccupe ici, il est écrit que "Aujourd'hui croyants et non croyants, nous sommes d’accord sur le fait que la Terre est essentiellement un héritage commun, dont les fruits doivent bénéficiés à tous. Pour les croyants cela devient une question de fidélité au Créateur, puisque Dieu a créé le monde pour tous". Chouette ! Si, à nouveau, la ligne programmatique se trouve fixée pour les croyants, qu'en est-il pour les non-croyants ? A le lire, en raison de cette "divine" création du monde pour tous, faut-il considérer que les mécréants doivent nécessairement s'aligner devant ce puissant maître du monde ?

Avec l'aplomb caractérisant toute pensée dogmatique, le pape François propose cette délicate attention, digne d'une publication dans une anthologie des lieux communs : "L'espérance nous invite à reconnaître qu’il y a toujours une voie de sortie". La situation n'est donc pas si désespérée que cela, même si ce haut représentant du clergé y met de strictes conditions : "Nous ne pouvons pas avoir une spiritualité qui oublie le Dieu tout-puissant et créateur" ou "en finir aujourd'hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite". L'ouverture d'esprit possède ses propres limites et le réflexe archaïque de l'inquisiteur est toujours actif.

Malin comme un singe, le pape défend la cause de son supérieur au plus haut des cieux : "Il a voulu se limiter lui-même de quelque manière, en créant un monde qui a besoin de développement, où beaucoup de choses que nous considérons mauvaises, dangereuses ou sources de souffrances, font en réalité partie des douleurs de l’enfantement qui nous stimulent à collaborer avec le Créateur".

La messe est dite ou presque. Notons que, au passage, il assène un nouveau coup à la science. Ce paragraphe fourre-tout mêle habilement les grands principes, les contradictions de ses ouailles et la repentance, en bref, les attitudes négatives façonnées par le conditionnement culturel propre à chaque époque… Pour moins que cela, il fut un temps où certains méritaient quelques tortures...

Quand tout bascule

Le problème écologique n'est pas nouveau et le pape n'a pas vraiment apporté d'éléments novateurs. Rappelons qu'en 1968 déjà le Club de Rome, composé d'un groupe d'experts et de hauts fonctionnaires occupant des postes très divers, mettait en garde contre la croissance excessive des économies. Quatre ans après sa création, ce club a publié un ouvrage intitulé Halte à la croissance. Une réflexion au plus haut niveau se trouvait engagée et elle possédera sa première légitimité à l'occasion de la première grande crise pétrolière, crise générée par la guerre du Kippour. Depuis, même si les apparences du monde ont changé, les maux profonds qui le traversent n'ont, eux, guère évolué.

R. B.

Revue Adogma - n° 1, 2e semestre 2016

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Notes

1) Anthropocène : Nouvel âge géo-historique initié par les hommes et les nations industrielles engendrant une crise environnementale majeure. Parmi les sources : Christophe Bonneuil, coauteur de L’Evénement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Seuil, Paris, 2013. Dans cet ouvrage, on peut lire : "L'humanité, notre propre espèce, est devenue si abondante et active qu'elle rivalise désormais avec les grandes forces de la Nature en termes d'impact sur le fonctionnement du système Terre".

 

 

 

 

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