Un bel écrivain libertaire, mais pas seulement.
L'homme est apparu il y a bien longtemps, à Marseille un 24 juin 1924. Mais, détrompez-vous, ses vraies terres familiales seront d'abord vendéenne puis nantaise, des pays où il fit l'apprentissage d'une vie particulièrement difficile et qui laissèrent des empreintes dans sa construction personnelle. De cette période il nous laisse des romans admirables, tels que L'accent de ma mère, Les mouchoirs rouges de Cholet, Les coquelicots sont revenus, Drôles de métiers, et bien d'autres encore car la liste est fort longue.
Notre auteur est un être protéiforme. Souvent, on le retrouve là où on ne l'attend pas. Essayiste, critique et historien, il est reconnu par ses pairs dans tous les domaines qu'il touche, notamment ceux de l'architecture ou de l'art abstrait. Bref, un "sacré" bonhomme bien installé dans son temps*. Nous vous proposons de parcourir Wikipédia pour mesurer la nature de son parcours et la diversité des travaux qu'il a accomplies. Vous le constaterez : c'est tout simplement bleuffant.
Mais Ragon c'est aussi et principalement autre chose. Il n'a jamais caché ses orientations philosophico-sociales. Sans doute, entrèrent-elles en résonance avec les premiers moments de sa vie personnelle que l'on retrouve à travers son œuvre romanesque. Puis, à l'occasion de son livre La voie libertaire, il ne cache pas ses accointances avec cette pensée et son mouvement. Elles seront d'ailleurs confirmées grâce à deux militants exemplaires : Maurice Joyeux et Louis Lecoin, en qui il reconnaît deux de ses mentors. Il se lia à ceux-ci à travers une amitié jamais démentie. Ils furent, dit-il, "ceux qui m'ont le plus appris, ceux qui m'ont le mieux convaincu de la justesse de leurs luttes". Sa participation à leurs actions resta totale. Est-ce que cela pourrait justifier son appétence pour revisiter et faire apparaître la littérature prolétarienne, laissée volontairement dans l'oubli ? Je ne peux que vous inviter à vous procurer sa très intéressante Histoire de la littérature prolétarienne. L'auteur fait resurgir toute la richesse et l'étonnant foisonnement de ce courant intellectuel oublié.
On peut tout lui demander : écrire ou réagir, Michel reste toujours disponible pour les camarades qui le lui demandent. Dans la revue La Rue, dès son numéro 3 publié en 1969, il y signe sa première participation : Un logement fait pour l'homme. Une critique urbaine qui se conclut par ces mots lourds de sens et d'actualité : "on croit apporter le bonheur et le confort. Et l'on offre qu'un cauchemar climatisé".
Oui, je vous le confirme : Michel Ragon reste un maître dans l'art d'écrire et de penser. Nous restons persuadé que l'impact de son œuvre marquera profondément la pensée libertaire. Pour tes 95 ans, Michel passe un bon anniversaire !
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* Le Musée des Beaux-Arts de Nantes lui a consacré en 1984 une exposition "Autour de Michel Ragon". Un catalogue superbe de 148 pages a été édité à cette occasion, en association avec Paris Art Center.