Lettres de guerre (1914-1918)
Jacques VACHÉ
(Gallimard, 2018, 471 pages, 24 €)
L'auteur serait-il un inconnu ? Non, car on le doit à André Breton pour qui il fut l'un de ses mentors. Pas avare de louanges, ce dernier écrivit que ce fut "l'homme que j'ai le plus aimé au monde".
Sa disparition soudaine, due à une trop forte consommation d'opium, quelques mois seulement après la fin de cette Première guerre mondiale, ne permettra pas de savoir jusqu'où cet étonnant personnage aurait pu nous entraîner. Heureusement que ce livre bienvenu permet de nous révéler les indéniables qualités artistiques de son auteur. Provocateur à souhait, un brin libertaire, on ressent chez Jacques Vaché une belle plume, doublée d'un bon coup de patte de dessinateur.
Cette correspondance nous éclaire sur la personnalité et les influences de ce singulier précurseur d'un nouvel art ayant baigné dans les univers de Jarry et du dadaïsme. A la banalité convenue de ses échanges épistolaires avec sa proche famille s'ajoutent des propos plus libres avec ses ami-e-s, comme Jeanne Derrien ou le "pape" du surréalisme. Et j'en passe encore : Théodore Fraenkel, Louis Aragon, etc.
A travers ses courriers, on ressent les situations qu'il affronte durant cette grande guerre de tranchées. Certes, cela n'a rien à voir avec le magistral roman "Le Feu" d'Henri Barbusse qu'il a d'ailleurs eu l'occasion de fréquenter. Mais, avec ces "Lettres de guerre", nous vivons au quotidien le froid, la boue, la vermine, les bombardements, les angoisses subies et les espérances de l'auteur.
Des photos et, surtout, de nombreuses caricatures ponctuent cet ouvrage assez complet. Une intéressante chronologie nous permet de suivre, pas à pas, notre personnage. De plus, une superbe préface, d'abondantes notes et une remarquable biographie parachèvent cette édition. Cela forme un volume excessivement intéressant, nous permettant de disposer d'une vue d'ensemble assez précise sur le surprenant Jacques Vaché.