Depuis sa naissance à Levallois-Perret, en 1910, que de chemins parcourus pour cet "anar" exceptionnel. Il a laissé son empreinte, depuis plus de deux générations maintenant, sur le mouvement libertaire français.
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29 janvier : Maurice Joyeux
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22 octobre 1921 : Bonjour Brassens !
Sète, une ville où jamais un vacancier n'a été enterré sur la plage* et où "Tonton Georges" fit ses premiers pas, comme ses 400 coups. Depuis, même si l'immigration méditerranéenne qui règne de nos jours pouvait changer cette donne, offrant à ce fameux Cimetière marin cher à Paul Valéry une utilité urgentiste catastrophique, que de chemins parcourus par cet autre poète sétois de renom. Y penser nous donne le tournis.
Bien des panégyriques argumentent des qualités exceptionnelles et particulières du chanteur-compositeur. Plus modestement, attachons-nous à entrevoir l'homme engagé qu'il fut.
Derrière l'aspect timide et quelque peu pataud se cachant derrière ce personnage publique, se tapit un autre individu, celui qui dénonçait l'injustice et qui troussait les stupidités métaphysiques, en particulier religieuses. Les gendarmes de la pensée n'avaient qu'à bien se tenir et éviter de "poser leurs pattes dessus"**. Cela alimentait sa révolte profonde et lui donnait l'occasion d'ajouter ces mots aigre-doux, souvent acides, qui nous plaisaient tant dans ses chansons. Prises une à une, celles-ci constituent de vrais petites merveilles qui restent l'objet de nombreuses études dans des cours d'art poétique.
Contrairement à tous ces flonflons académiques et petits-bougeois qu'il a régulièrement fuis, l'homme et le poète portait en lui cette âme rebelle et inclassable. D'ailleurs, comment s'étonner qu'au cours de sa vie, ses affinités l'amenèrent à devenir le secrétaire d'un groupe anarchiste parisien et – surtout - le secrétaire de rédaction du journal Le Libertaire. Il s'y employa deux années durant, rédigeant de petits articles - ce qu'on appelle souvent des "bouches-trous" - qu'il signait sous des pseudonymes différents, sans doute révélateurs de son caractère ou de son humour comme celui, par exemple, de Charles Malpayé. Dans ce mouvement en reconstruction, issu de la Seconde guerre mondiale, il dut être, en effet, très mal rémunéré…
Jamais, il n'oubliera ses racines philosophiques et, bien sûr, les amitiés qu'il noua avec différentes personnalités libertaires. Parvenu à la cinquantaine, il écrivit dans Ego (avril 1970), une revue d'inspiration individualiste éditée par Pierre Jouventin, qu'elle était, pour lui, sa conception de l'anarchisme individualiste : "C’est pour moi une philosophie et une morale dont je me rapproche le plus possible dans la vie de tous les jours, j’essaie de tendre vers l’idéal. L’anarchisme, ce n’est pas seulement de la révolte, c’est plutôt un amour des hommes. La révolte n’est pas suffisante, ça peut mener à n’importe quoi, au fascisme même." Comment être plus clair ! Ce n'est pas la peine de chercher plus loin pour retrouver, dans chacune de ses chansons, cette imprégnation que d'aucuns classifient d'inclassable pour mieux éviter de l'appeler libertaire.
Après ses deux ans d'activités au sein de cette jeune Fédération anarchiste, il la quitte pour s'envoler vers ce difficile parcours menant ...de la mauvaise herbe à la bonne réputation. Pas facile car son chemin sera semé d'embûches et de galères de toutes sortes. Ce faisant, jamais il n'oublia ses amis. Par esprit de fidélité, il les aida en participant à plusieurs galas, tant de la Fédération que du Groupe libertaire Louise Michel, avec lequel il possédait de forts liens d'amitié particulièrement avec Maurice Joyeux et sa compagne Suzy Chevet.
Sa présence dans nos fêtes attirait les sympathisants en nombre. Quelques temps avant son gala (octobre 1972) fait avec Léo Ferré contre la peine de mort, je me souviens d'avoir accompagner Suzy chez lui afin de lui proposer de se produire à un gala de soutien. Cette rencontre se fit non sans peine car Gibraltar, son secrétaire de longue date, contrôlait rigoureusement les accès afin de réduire les multiples perturbations occasionnées. Après avoir donc passé le joug de son indéfectible cerbère, à la timidité naturelle de Brassens s'ajoutait la mienne, bien plus grande encore, devant celui qui était pour moi ce monstre artistique dont je fredonnais souvent ses chansons. Cet entretien permit d'échanger sur quelques-unes de nos activités respectives. Bien que sa disponibilité à se produire pour le mouvement était bien qu'acquise, il arrivait qu'elle bute sur ses propres engagements rendant quelquefois difficiles sa présence le moment voulu par notre propre calendrier.
Bref, Georges restera pour nous ce fraternel camarade à l'image de son personnage qui respirait la bonhomie. Au-delà la magie des mots, ces textes nous rappellent l'homme, tout simplement. Depuis sa disparition, je constate que chacune de ses interprétations ne saurait éteindre notre émotion à son égard. Ne voulant pas – chantait-il - que son nom figure au bas d'un parchemin, je ne suis pas sûr du tout qu'il aurait souhaité que celui-ci orne quelque lieu public, fut-il celui d'une école. Pas même à titre de revanche...
* Supplique pour être enterré à la plage de Sète : "...Vous envierez un peu l'éternel estivant, / Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant, / Qui passe sa mort en vacances…".
** Celui qui a mal tourné.
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Mademoiselle dictateur
BREVE DE LECTURE
Mademoiselle dictateur
Pierre-Valentin BERTHIER
(L'Amitié par le Livre, 1956 – 274 pages)
A l'occasion d'une chine, je suis tombé sur ce deuxième roman de feu l'ami Pierre-Valentin Berthier*.
Celui-ci collabora pendant de nombreuses années à la presse libertaire en général et, en particulier, aux journaux de la Fédération anarchiste** et à la revue La Rue. Dans cette dernière, il publia en 1976 un article pacifiste "La guerre et son instrument". C'est dire quel fut l'un des axes majeurs de son engagement. Malheureusement et à mon grand regret, je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer physiquement, malgré mon appartenance aux deux comités de rédaction pour lesquels il collaborait, si ce n'est dans le cadre d'échanges épistolaires toujours empreints de fraternité.
Son roman s'inscrit dans cette veine que jamais il ne quitta. L'action se situe durant la Seconde guerre mondiale et met en jeu d'étranges personnages. L'intrigue est bien menée et nous met en haleine jusqu'à la dernière page. Un travail d'orfèvre à l'image de tout ce que j'ai pu lire de lui. Si vous avez l'occasion de vous procurer ces ouvrages, je ne peux que vous inviter à vous en saisir.
* Wikipédia lui consacre un bel article biographique.
** Pierre-Valentin y tenait régulièrement la rubrique "A rebrousse-poil", symbolisée par le logotype ci-dessous :